samedi 23 mai 2020

Soutenir le pot de terre! Soutenir le combat pour la démocratie!




Sur le bassin nancéien, la résistance sociale s’est parfois distinguée par des combats où le pot de terre fit mettre le genou à terre au pot de fer. Les luttes sociales sont difficiles, demandent beaucoup d‘énergie, beaucoup d’unité, beaucoup de solidarité, et parfois, ça paye.
Il n’y a pas d’analyse savante, méfions nous des crétins, absents des luttes, qui savent si bien dire, après, ce qu’il fallait faire avant.

Il n’y a pas beaucoup de certitudes..
"Ceux qui luttent, ne sont pas sûrs de gagner, mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu"
Que dire d’autre?

Il n’y a pas de «petits» conflits
La CGT à Nancy, a mis la main à la pâte dans de nombreux conflits, pas forcément gagnés d’avance.
Malora en 2006 ou une poignée de salarié-e-s, déja licencié-e-s, occupent leur boîte pendant 130 jours et sauvent le site de production promis à la spéculation immobilière.
Castorama à Essey , en 2003, une dizaine de salariè-e-s refusent le passage en force d’une nouvelle enseigne, et la perte de leur statut, 10 mois d’occupation. Les avocats du groupe Castorama viendront à l’Union locale CGT de Nancy, pour acter le dédommagement et les indemnités des salariés.
La Clinique Majorelle, vers 2007 vivra un conflit long, mené essentiellement par le jeune syndicat CGT, pas encore majoritaire dans l’établissement. 28 femmes sur 350 salarié-e-s se mettent en grève . Elles feront plier la direction , qui voulait externaliser le travail du nettoyage, dans la clinique et au niveau national. Elles feront plier les fonds de pension américains, actionnaires majoritaires, qui voulaient pressuriser la masse salariale, sur l’ensemble des cliniques du groupe en France.
28 femmes inexpérimentées, mais oh combien décidées, 28 copines formidables ont mis un coup de boule au capital.

La seule fortune de ces combats résidait dans la rare détermination des femmes et des hommes acteurs(trices) de ces résistances sociales. Une rage d’en découdre, et ne pas se laisser faire, qui valait toute autre démarche politique.

Qui l’eut cru? Qui aurait misé la moindre thune sur ces conflits? Et pourtant .

21 salariés en lutte

En ce moment, depuis le 11 Mai, à Jarville à la S.A.D. (société agence diffusion), filiale de Prestaliss, 21 salariés sont en grève pour refuser la liquidation de leur entreprise prononcée le 15 Mai par le tribunal de Commerce de Paris.
512 salariés en France sont liquidés de la sorte, de Lille à Marseille.

Depuis 1947, la distribution de la presse est organisée de façon à ce que, petits éditeurs ou groupes médias puissants, soient distribués avec les mêmes moyens, comme le voulait le C.N.R. Chaque journal cotise, selon ses moyens, ce qui permet d’entretenir un outil commun, et servir la presse dans 22 000 points de vente, équitablement.

Depuis des dizaines d’années, les groupes les plus puissants sont devenus les opérateurs du système, ils sont administrateurs et clients à la fois. Ils ont pesé pour que Prestaliss réduise la facturation (passée de 14% en 1994 à 5% en 2017, au prix de 3100 suppressions d’emplois sur 3500).
Ces groupes sont aidés par l’État, CICE, aides à la presse (le Figaro touche 16 millions d’€, le Monde aussi), mais ce n’est pas assez. Aussi, la Macronie bienveillante a décidé, au titre de la «modernisation» de la presse, de vider la loi Bichet de son sens. C’est Laurent Garcia, député Modem de la 2eme circonscription de Nancy, qui s’est collé au rapport , une des conclusions est de vendre les coopératives de diffusion, le tribunal obtempère et liquide.
Les salariés se sont rendus à la permanence du député fossoyeur et lui ont demandé:» quel est le plan de diffusion de la presse désormais?», on attend encore la réponse.
L’État vient de mettre le réseau à terre et n’a pas de solution pour poursuivre la diffusion démocratique de la presse. Sous peu, 10 000 kiosquiers vont mettre la clé sous la porte. La seule perspective est celle des grand groupes, les médias les plus riches seront distribués en priorité, que les petits titres crèvent!
Les marchands de journaux se plaignent, à raison, de leurs étals vides, la faute à la CGT en grève pensent-ils. C’est le lock out de l’État et des éditeurs qui est en train de les tuer.


A Jarville, les 21 salariés concernés ont assuré la diffusion des journaux pendant la crise sanitaire, salués par le chef de l’État, virés à la fin du confinement. Durant la crise Covid, ces salariés ont fait livrer des journaux invendus aux résidents des EHPADs, privés de visite.
La diffusion de la presse est un travail difficile, toujours de nuit, incluant week-end et fériés. La SAD de Jarville voit passer des dizaines de titres toutes les nuits, à minima 20 de tonnes de journaux par nuit, qu’il faut trier et acheminer, à la première heure dans les kiosques de la région grand est.
Ces salariés bossent à la suite de leurs collègues imprimeurs, qui, dans le bâtiment voisin mettent sous presse toutes les nuits , les quotidiens nationaux . L’impression en province permet de mettre moins de voitures sur les grands axes routiers et servir au plus prés les kiosques de l’est de la France, voire des pays limitrophes. Au niveau national, ce sont 22 000 points de ventes qui sont irrigués toutes les nuits.
Le centre d’impression et de diffusion de Jarville existe depuis 1979. Les salariés ont toujours été syndiqués à prés de 100% (CGT du Livre Parisien), en grève à 100% chaque fois qu’il le fallait. Le site de Jarville compte prés de 50 salariés avec l’imprimerie Nancy-Print.
Pour casser le statut des travailleurs du Livre, pour casser l’outil syndical, les patrons et l’État sont prêts à casser l’outil industriel.


Mise en place d’une 
solidarité financière

Depuis le 11 Mai, les salariés de Jarville comme dans toute les villes de France, avec les 512 salariés promis au chômage, ont décidé de résister à l’offensive libérale. Ils aiment leur boulot , ils ne veulent pas d’une distribution au rabais, au seul profit de la presse des grands groupes.
Ils ont fait appel de la décision du tribunal de commerce de Paris , cette procédure mettra 3 à 5 semaines à aboutir, 3 à 5 semaines sans paye, bien sûr. Ils font face au mépris des grands groupes , à l’arrogance des politiques signataires de la mort de la Loi Bichet.

La CGT met en place une solidarité financière pour qu’ils puissent continuer le combat. C’est beaucoup demander à celles et ceux qui ont déjà donné, pour la lutte exemplaire des cheminots, les soutiens aux Camarades convoqués par les flics, celles et ceux qui ont aussi donné des jours de grève contre la réforme des retraites.

Ces 21 salariés ont besoin de votre soutien, ils portent un lourd fardeau, celui de maintenir et d’améliorer une distribution démocratique des idées, face à la puissance des groupes , face à l’État.
C’est un combat vieux de deux siècles. Le Droit , de penser , d’écrire , de diffuser a été arraché à l’église et à la monarchie. Au cœur des révolutions du 19 eme siècle, puis porté durant les résistances sociales , écrire diffuser sous l’occupation , pendant la guerre d’Algérie. Ce droit distingue un peuple qui lutte d’un troupeau qui se soumet.


Collectif de soutien aux salariés SAD en lutte

envoyez vos chèques à solidarité SAD, Union Locale CGT 17 rue Drouin, Nancy
à l’ordre de « UL CGT »,
mettez un post it « solidarité SAD »

dimanche 17 mai 2020


Laurent Garcia
député MODEM
2ème circ. de Meurthe et Moselle
fossoyeur de la distribution de la presse


Monsieur,
La loi de modernisation de la distribution de la presse, dont vous étiez le rapporteur vient de porter ses fruits. La filière est démantelée. Le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation de l’entreprise SAD, vendredi 15 Mai à 15 heure.
Comme l’indiquait votre rapport : « les sociétés qui assurent la distribution de la presse ne seront […] plus tenues d’avoir leur capital majoritairement détenu par les coopératives d’éditeurs ».

Ainsi libérés, les grands groupes de presse cessent de participer à l’outil commun de distribution mis en place en 1947, avec pour argument mensonger le coût exorbitant de la distribution de la presse. Parlons-en.
Depuis 1994, le taux de rémunération des NMPP est passé de 14 % à moins de 5 % aujourd’hui pour Presstalis il a donc pratiquement été divisés par trois !
Cette baisse spectaculaire des coûts résulte notamment d’une diminution drastique des effectifs : en 1994 il y avait 3 479 salariés.(site du Sénat : Projet de loi des finances 1996 ), aujourd’hui il en reste 402 (siège social et centre d’exploitation à Bobigny). Mais à casser les prix comme des camelots de foire, pour satisfaire à la concurrence « libre et non faussée », Prestaliss dépose le bilan.
Dommage car les salariés avaient déjà donné.
Plus de 500 salariés SAD, sous-traitant de Presstalis, sont aujourd’hui menacés de chômage, ils sont répartis dans les dépôt de presse provinciaux pour assurer la distribution quotidienne dans les départements . Au total, la filière presse concerne 80 000 emplois, du rédacteur au kiosquier.

Rappelons que c’est un exploit au quotidien, TOUS les jours week-end et fériés compris, d’écrire, concevoir, répartir et acheminer 6 000 titres dans 22 000 points de vente, de faire remonter les invendus, d’assurer le financement de l’édifice entre les vendeurs, les imprimeurs et les éditeurs. Ce n’est pas seulement, livrer des journaux, c’est aussi assurer une remontée en temps réel des ventes au numéro, par kiosque et par journal, ce qui permet d’ajuster au mieux, les quantités d’impression nécessaires.
Notre système, n’en déplaise au thuriféraires du marché, était, avant votre intervention, le meilleur et le moins cher. C’est ce que démontre l’enquête N°2008-M-061-01  réalisée par l’Inspection générale des Finances, « La situation de la presse quotidienne dans quatre pays européens ».

Le réseau est désormais à terre. C’est un drame humain, pour des centaines de salarié(e)s qui ont assuré l’acheminement de l’information pendant la crise sanitaire. C’est aussi un coût porté à la démocratie, au débat, à la liberté de l’information. Nous ne sommes plus aujourd’hui en mesure d’assurer la distribution de la presse en France de façon équitable.

Au delà du drame social et de la crise, la faute morale est impardonnable. La loi Bichet fut mise en place à la libération parce que la plus grande partie du patronat de la presse avait collaboré avec l’occupant. Ceux qui clamaient « plutôt Hitler que le front populaire », avaient fait un vrai choix éditorial, diffuser la presse du Maréchal, dénoncer les résistants.
Parce que le pire était arrivé, le CNR édicta des règles visant à mettre la distribution de la presse a l’abri des convoitises et de la spéculation. Tous les titres de journaux, tous sans exception, bénéficièrent alors du même service, d’un même réseau pour que l’information soit disponible, partout, pour toutes et tous.
Cette logique c’est la péréquation, la mise en commun des moyens, pour que les plus nantis (par exemple, le groupe Bolloré) et les plus pauvres (la presse indépendante, l’Humanité, Politis, le Canard Enchaîné, etc) aient un accès commun à l’édition.
Cette vision démocratique de l’offre ne fut jamais du goût des grands groupes à la solde de quelques milliardaires, qui ont obtenu que la législation soit simplifiée et se soumette à la seule logique du marché. Ces médias puissants sont en train d’organiser leur propre diffusion, à leur unique profit, et que le reste crève !

La CGT a multiplié les mises en garde alors que vous annonciez votre intention de réformer la Loi Bichet, peine perdue, vous vous êtes obstiné à barbouiller avec suffisance et ignorance un pan de l’Histoire, où Zola, Hugo, Jaurès, Camus, Sartre se sont distingués Vous resterez l’auteur d’un tripatouillage médiocre saccageant près de deux siècles de combats pour la liberté de penser et d’écrire.
Au moins êtes vous cohérent avec les gouvernements qui se succèdent depuis prés de quarante ans, vous avez géré la distribution de la presse, comme les lits d’hôpitaux, les salles de classes, la sidérurgie, la sécurité sociale, une gestion par le vide pompeusement appelée « simplification ».

Les travailleurs du Livre, avec leur syndicat CGT, font appel de la décision du Tribunal. Ils ne seront pas payés, jusqu’à ce jugement parce que , en grève, ils se battent contre les conséquences de vos actes.
Votre nom restera associé à l’histoire de la presse, comme un général Nivelle, chamarré d’incompétence, précipitant des centaines de familles dans la précarité . Vous resterez le député Garcia, fossoyeur de la presse écrite.

Salutation d’usage de bas de lettre

Jarville le 17 Mai 2020

Les travailleurs CGT SAD de Jarville en lutte
les retraités cgt NMPP / Prestaliss