mardi 20 août 2024

Le travail pour les salariés et la santé pour le capital

 


« Que les pauvres aient le sentiment de leur impuissance, voila une condition première de la paix sociale » Maurice Barrès – député boulangiste de Nancy (1906-1921)


Ouvrier du Livre en retraite, syndiqué à la CGT depuis 1979, j’ai milité sur les questions de santé dans le CHSCT des Nouvelles Messagerie de la Presse Parisienne et comme délégué du personnel dans une équipe de nuit pendant 32 ans. Dans mon équipe, chaque salarié devait manipuler entre 10 et 25 tonnes de papier par nuit. Ce tonnage paraît incroyable, mais nous n’en prenions vraiment conscience qu’en consultant les bordereaux d’expédition, sinon nous pensions que nous portions « beaucoup » de charges. Pour aborder le problème des lombalgies, il fallut réapprendre à connaître notre propre environnement de travail : un paquet de journaux pèse de 11 à 17 kg, une palette c’est de 800 kg à une tonne, un camion contient 15 à 20 tonnes de papier. Lors de notre enquête, un de mes collègues à qui je dévoilais ces données me dit : «  t’es sûr de tes chiffres ? ».


Difficile aussi d’intervenir, de questionner sur la douleur dans un secteur exclusivement masculin, comme les mines, les ports ou les docks. Une fausse image de la masculinité remplit l’espace de discussion : « un mec n’a pas mal au dos ». Pourtant, les médecins du travail nous avait donné des éléments statistiques inquiétants : 75 % des salariés souffraient de lombalgies. Il fallut un travail d’ampleur avec le CHSCT, requérir un groupe d’étude d’ergonomes, de psychologues, pour suivre l’équipe de nuit, analyser les gestes, répertorier les ports répétitifs de charges et libérer la parole. Une nuit, après une séance de tri manuel de 250 paquets de 16 kg (4 tonnes), un ouvrier confia à une sociologue qui étudiait la séquence de travail qu’il avait du mal à prendre sa petite fille pour la porter à cause du boulot. Il s’est confié à quelqu’un de l’extérieur pour dire sa souffrance. Parce qu’on ne dit pas à un collègue qu’on a mal, sinon ça veut dire qu’on ne peut pas faire ce boulot, qui résume notre vie, porter des paquets lourds. Alors la souffrance est tue, elle n’existe plus, jusqu’au jour où le corps lâche.

La formation syndicale m’a appris à m’informer, refuser l’évidence, trouver des sources, les partager, convaincre les collègues que nous sommes experts de notre propre travail, de notre souffrance, et surtout qu’on a le droit de souffrir et le dire.

J’ai refusé à longueur de réunion de CHSCT que les salariés soient envoyés, par la direction, dans des formations « gestes et postures », d’où ils revenaient, « posturés » dans le corps et l’esprit, culpabilisés. Un ergonome en stage a renforcé mon opinion, en me disant «  si tu plies bien les genoux pour porter une charge, tes vertèbres seront intactes, tu auras juste les genoux niqués ». J’ai acquis la conviction que le travail doit être adapté à l’humain et pas l’inverse. L’inverse, c’est la délinquance autorisée, qui génère de 650 000 à 750 000 accidents du travail par an, avec leur lot d’infirmités, de morts.

803 morts au travail ! Que fait la police ?

Que les délinquants ne s’affolent pas ! Le chef de la Start Up Nation a une idée sur la question : « Moi j’adore pas le mot pénibilité, parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible » (E. Macron, le 3/10/19). Si le président déclare la non-pénibilité au travail, n’allons pas blasphémer avec la mortalité. Avec la même suffisance teintée de paternalisme, A. Panier-Runachier s’exprime ainsi le 7/10/21 : « J'aime l'industrie car c'est l'un des rares endroits au 21e siècle où on trouve encore de la magie. La magie du ballet des robots, du ballet des hommes. La magie de l'atelier où on ne distingue pas le cadre de l'ouvrier. » 

Donc pas pénible, magique et tous égaux à l’atelier ! Malgré 40 ans comme manutentionnaire dans l’imprimerie et la distribution de la presse, je n’ai pas su voir ce monde merveilleux, dommage.

Les points de vue concernant les conditions de travail d’un associé-gérant de la banque Rothschild et d’une cadre supérieure de l’industrie automobile sont une jolie narration du monde du travail, un peu éloignée de la sordide réalité des chiffres.

Accidents mortels du travail – de quoi parle t-on ?

1 200 morts au travail dénoncés par J-L. Mélenchon, sur son blog, en octobre 2021. Ce chiffre impressionnant comprend les décès lies aux maladies professionnelles, les accidents mortels de trajets et les accidents mortels sur le lieu de travail. Les chiffres cités sont ceux du rapport annuel de l’assurance maladie. Me Pradel, avocat spécialiste de la santé au travail, tempère, car les méthodes de procédure de reconnaissance et de comptage des accidents du travail (AT) en France sont plus strictes que dans d’autres pays. Toutefois, la France avec sa propre méthode de comptage, inchangée, est passée de 537 AT mortels en 2010 à 803 en 2019. soit 49,5 % d’augmentation.

Le Robert donne la définition d’un accident : « Évènement imprévu et soudain qui entraîne des dégâts, met en danger. » L’évènement est imprévu, mais les statistiques sont récurrentes, et les causes sont identifiables et prévisibles. Prenons un exemple.

Des chutes mortelles.

L’assurance maladie quantifie le 15 février 2023 126 000 AT liés à une chute, qui ont occasionné 95 décès en 2019, principalement dans le secteur du bâtiment et de la construction. Le ministère du travail sur son site en octobre 2023 donne d’autres précisions. Les accidents de chute de hauteur sont majoritairement de trois natures :

  • Chute à travers un toit dont le matériau est fragile

  • Chute dans le vide sur les extérieurs

  • Chute dans un trou, d’une trémie ou d’une fenêtre ou encore dans un escalier

Parmi les principales causes des chutes de hauteur, on relève :

  • L’absence de protections collectives (échafaudage, plateformes sans garde-corps etc.)

  • L’absence de protections individuelles (harnais anti-chute)

  • Un dispositif de protection défectueux ou mal utilisé (point d’ancrage non conforme)

Donc, ces 95 décès, troisième cause de mortalité des AT, auraient pu être en partie, voire en totalité évités par le respect des dispositions légales, des dispositifs de sécurité obligatoire, par le respect de la loi. La juste classification de la grande majorité de ces décès pourrait être « Chutes mortelles par non respect de la Loi ». Les délinquants courent toujours

Plusieurs ouvrages sortis en 2023 éclairent un peu plus ce sordide tableau.

Mathieu Lépine (l’Hécatombe invisible – Seuil) passe en revue les causes, le déroulement de ces AT. 8,4 % concernent des jeunes de 15 à 24 ans. Ces 64 personnes (par an) ont été laissées le plus souvent seules, sans sécurité, sur un poste de travail sans recevoir d’information. Elle meurent souvent dans la première année, les premiers mois, voire les premiers jours. Le bilan est hélas limpide, pas de formation, pas d’information, pas de sécurité ou inadaptée, personne pour intervenir ou appeler les secours. C’est par exemple un jeune apprenti de 17 ans, laissé seul sur une parcelle en forêt, une branche de chêne fragilisée par l’abattage d’un arbre voisin le percute, il n’y a personne. Son tuteur de stage le retrouvera mort plus tard.

Selon les années, entre 19 et 25 % des morts travaillaient dans le BTP, ouvriers, artisans sous traitants, suivent les chauffeurs livreurs, puis les ouvriers agricoles et l’industrie. Le BTP cumule, à haute fréquence, accidents du travail, maladies professionnelles et accidents de trajets. Au total c’est l’équivalent de 36 000 salariés chaque année qui ne peuvent plus travailler (AMELI.fr - chiffres clés BTP).

M. Lépine compte aussi les accidents de trajets et met en lumière leur cause sociale. 12 % des accidents de trajets mortels concernent des jeunes de 15 à 24 ans. 12 % en 2019, soit 92 personnes, principalement des ouvriers, qui habitent loin de leur travail, qui ont de faibles revenus. Le trajet est souvent fait à des heures atypiques. Double peine, la narration de leur accident est souvent très lapidaire : « Drame de la route, un jeune se tue au volant ». C’est la jeunesse qui est responsable de la mort, rarement il est fait état d’un accident de trajet, donc de travail. Plus les salariés sont éloignés d’un statut, d’un cadre protecteur, plus le risque encouru est grand, la sous traitance, la précarité, alimentent l’hécatombe.

Au delà de la dangerosité du métier, les couches de risques vont s’additionner : logement précaire ou/et dégradé (ne permettant pas le repos), très éloigné du travail (prolongeant la journée), salaire insuffisant pour se procurer un minimum décent ou un véhicule sûr, absence de collectif syndical pour prévenir, informer des risques, proposer des solutions de retrait, imposer des équipements de protection.

La pauvreté, la précarité et la sous traitance pour renforcer l’hécatombe au travail

« 1,2 million de personnes exercent un emploi mais disposent d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté fixé à la moitié du niveau de vie médian (918 euros par mois pour une personne seule), selon les données 2019 de l’Insee. Si on fixe le seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian (1 102 euros par mois), on en compte 2,1 millions. La pauvreté des travailleurs se stabilise à un niveau élevé. Elle avait légèrement diminué au début des années 2000, avant de remonter pour atteindre 1,1 million de personnes en 2011 (toujours au seuil de pauvreté de 50 %). Après une nouvelle baisse au milieu des années 2010, cette pauvreté est repartie à la hausse pour atteindre un sommet en 2017. » (inégalité.fr)

Intérimaires, salariés flexibles, ils et elles étaient 232 000 en 1990, 550 000 en 2000, puis 831 300 en 2021. M. Lepine cite le cas d’EDF qui « délègue » le risque de l’entretien de ses centrales nucléaires à hauteur de 80 % à des entreprises sous traitantes. Ces salariés sont les « nomades du nucléaire », ils font le tour de France des centrales. La CGT au sein du CHSCT d’EDF avait, lors d’une enquête, révélé que ces même salariés précaires alternaient leur travail avec des missions dans des chantiers liés au désamiantage.

Il y a environ 70 000 travailleurs très précaires SDF,ou mal logés ou en surnombre dans des habitats indignes (fondation Abbé Pierre), des milliers de travailleurs sans papier, peu ou pas couverts socialement, qui sont captifs de travaux précaires, dangereux et insalubres. Et bien sûr il n’est pas possible de quantifier les non-déclaration d’AT.

Une autre jungle sans droit, les auto entrepreneurs : sur 2 229 000 entrepreneurs déclaré en 2021 (URSSAF), 1 287 000 déclarent un Chiffre d’Affaire (C.A.) positif. La moyenne des C.A. est de 4 800€ par trimestre, environ 1 250€ par mois, il faut retrancher le matériel professionnel, l’entretien, les abonnements téléphoniques et, si on peut, 22 % de cotisations sociales. A peu près un million ont C.A. négatif. Quel que soit le C.A., il n’y a pratiquement pas de droit aux prestations sociales, les accidents du travail n’existent pas : lorsqu’un livreur Über tombe en livrant une pizza, c’est un accident de la route.

Mourir de son travail aujourd’hui

En moyenne en 2017, 11 % des salariés, soit 2,7 millions de personnes, sont exposés à au moins un produit chimique cancérogène. L’exposition à un seul produit chimique concerne 32 % de l’ensemble des salariés suivis par les médecins du travail et de prévention en France, soit 8 millions de salariés (DARES). Sur 94 produits chimiques recensés, 28 sont classés cancérogènes avérés ou probables par le Centre international de recherche sur le cancer et/ou par l’Union européenne.

Anne Marchand (mourir de son travail aujourd’hui - éditions de l’atelier,) enquête au sein du « Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelles » (GISCOP 93) et étudie la toxicité mortelle du travail et son environnement. L’héritage industriel et le travail contemporain hypothèquent la santé et la vie de millions de travailleurs. Elle cite un rapport récent qui fait état chaque année de 50 000 à 80 000 nouveaux cas de cancers liés à l’activité professionnelle, ou d’origine professionnelle. C’est une autre hécatombe qui représente une double peine pour les plus précaires : ces cancers se déclarent souvent longtemps après l’activité professionnelle, il faut alors prouver que votre maladie est d’origine professionnelle, alors que vous luttez contre la mort. Souvent, c’est à la famille d’assumer la fin du parcours pour tenter d’obtenir un dédommagement, au titre du défunt.

Le GISCOP 93 a accompagné plus de 200 travailleurs et leur famille, (Vie Ouvrière- dossier reprendre la main sur le travail) pour reconstituer une carrière professionnelle, prouver les interactions insalubres et dangereuses, demander réparation. Ce livre fait état des inégalités, lorsque le travailleur immigré tombe malade une fois rentré au pays, lorsque l’intérimaire doit retrouver la totalité de ses contrats de travail, certains d’une journée, d’une semaine, pour demander réparation. L’espace social pour ranger ses papiers, ses fiches de payes, va de pair avec le niveau de salaire, avec le capital social qu’on a acquis ou pas.

Gauche et droite unies, main dans la main, pour ruiner le social

Comme si cela ne suffisait pas, Hollande, Macron ont rendu plus difficile la saisine aux prud’hommes, plafonné les indemnités, cessé d’organiser les élections qui permettaient aux salariés d’être élus aux conseils des prud’hommes. La loi travail, puis les ordonnances Macron, ont défait les comités d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, amoindri les moyens d’expertises des élus. Les seuils permettant d’avoir des élus ont été remontés, ce qui prive la très grande majorité des entreprises d’institution représentative du personnel. La mise en place sans concertation des CSE réduit de moitié les élus du personnel et le temps nécessaire à leurs mission.

La réforme des retraites, pour courir à 64 ans derrière un camion à ramasser les poubelles, mais aussi la loi immigration, que n’aurait pas reniée Pétain, pour mettre les humains les plus désespérés en concurrence, ne pas oublier la loi sur l’enseignement professionnel pour redonner aux patrons la clé de l’école et faire trimer la jeunesse. C’est aussi baisser les conditions et le niveau des prestations chômage, ce qui va renforcer « l’attrait » des boulots les moins payés et les plus dangereux, parce qu’il faut bien survivre.

Cette frénésie de laminage des droits sociaux, des moyens de représentation sociale, vient de loin, gouvernements de gauche, de droite ont apporté leur pierre. Déjà en 2009, J-F. Coppé (UMP) a présenté une mesure d’économie à l’Assemblée Nationale à hauteur de 150 millions d’euros, en mettant fin à l’exonération fiscale des indemnités d’AT, les victimes sont priées d’alimenter le budget. En avril 2015 (merci Hollande), un décret supprime la demande d’autorisation à l’inspection du travail pour affecter des mineurs aux travaux dangereux pour la remplacer par une simple déclaration de l’employeur. Rappelons que 10 000 apprentis sont victimes d’accidents du travail chaque année.

La délinquance patronale récompensée, les victimes trinquent à la santé du profit

Un article du monde du 13 Mai 2022 cite un manifeste de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), qui analyse la tendance à la baisse des Accidents du Travail (AT) mortels en Europe, qui permettrait de situer leur fin. Pour la Pologne c’est en 2027, l’Italie 2040, face au mot France, la case comporte le mot « JAMAIS ». C’est un fait, les AT mortels en France, à l’inverse du reste de l’Europe, sont en progression : 550 en 2020, 803 en 2023. 2 morts par jour ouvré dans la construction, un carnage chez les ouvriers jeunes. Le gouvernement macroniste pousse l’ignominie un peu plus loin par l’article 39 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui limite la portée de la faute inexcusable de l’employeur : une indemnisation réduite pour les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles et aucune pénalité financière supplémentaire pour les patrons délinquants. Une décision d’autant plus choquante et incompréhensible que la Cour de cassation sociale a rendu le 20 janvier 2023 deux arrêts actant enfin l’obligation pour les employeurs responsables de manquements graves de payer une indemnisation en plus de la rente accordée par la Sécurité sociale. (Alternatives Économiques n°439 – 10/2023). Tous les ans, près de 650 000 personnes sont accidentées au travail et plus de 50 000 maladies professionnelles sont reconnues. Dans 3 000 cas la faute inexcusable est obtenue en justice. Il s’agit souvent de pathologies sévères et de cancers professionnels, lourds de conséquences pour les salariés concernés.

Sarkozy, Hollande et Macron, même combat : il faut mater les gueux.

Le tableau ne serait pas complet si nous ne faisions pas mention de la réduction des moyens et effectifs de l’inspection du travail. Les syndicats Sud et CGT dénoncent en effet une fonte de 20 % du nombre des inspecteurs.

Dans cette profession, la méthode forte est parfois employée. Ainsi, Anthony Smith, inspecteur à Reims, a été suspendu par M. Penicaud, parce qu’il avait fait un référé pour que les salariés d’une entreprise d’aide à la personne aient des masques durant la période COVID. E. Borne a maintenu la suspension, alors qu’il avait fait son travail (918 jours – éditions Arcanes 17). De même, Laura Pfeiffer, inspectrice a été sanctionnée par son Ministère, alors qu’elle donnait suite à un courrier d’un salarié de TEFAL lanceur d’alerte, par la suite licencié. Depuis 2010, il manque 21 % de médecins du travail (conseil de l’ordre des médecins). Moins de médecins, moins d’inspecteurs mais plus de flics, ainsi le seul service public que rencontrent les salariés c’est la police nationale. Depuis Sarkozy, la matraque vole bas, les éclopés deviennent légion, chaque loi infâme offre son lot de mains arrachées, d’éborgnés.

L’usine ne tue pas assez, il faut que la police en rajoute.

Cette violence sociale rappelle le décor des années Thatcher : « There is no alternative », il n’y a pas d’alternative. Il faudrait accepter, se taire. Du canon à eau que Mitterrand et Rocard envoyèrent sur les infirmières en octobre 1991, aux motards de la BRAV qui mutilent à longueur de manifestations, tout est fait pour rappeler à chacun de rester à sa place. Depuis trente ans le monde politique légifère, décide pour le monde travail et si nécessaire le réprime. Sans surprise, les élections législatives de 2022 n’ont désigné que 8 ouvriers et 26 employés sur les 577 députés, soit 6 % de l’ensemble, alors que ces catégories représentent 45 % de la population active (Institut des politiques publiques). À l’inverse, les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 70 % des élus, soit 3 fois plus que leur part dans la population active (22 %). Ces mêmes députés et sénateurs nous somment de trouver du travail dans un monde qui en supprime, rognent les budgets de la sécurité sociale, mais distribuent largement au patronat (CICE).

Il faut pourtant résister, et se battre.

C’est la notion de collectif qui est mise à mal, depuis des décennies, gouvernements/patronat traitent les revendications par le mépris. Le signal envoyé face aux besoins sociaux est : « vous pouvez manifester, on s’en tape ! » Le « dialogue social » tant prôné est une poudre aux yeux.

Redonner du sens au collectif ne peut passer que par une mise en perspective d’un bien commun accessible, pour la santé au travail, mais aussi pour l’accès à la santé,, l’éducation, le logement, la culture. Le syndicalisme, seul, divisé, ne peut être comptable de la trahison politique qui nous a amenés aux portes de la peste brune. La rupture politique avec le capitalisme est nécessaire pour remettre l’humain et les besoins sociaux au centre de nos réflexions.

Les rares moments porteurs de perspectives sociales dans l’histoire ont émergé de la mobilisation collective, ils sont imprévisibles. Mais nous savons que c’est possible, parce que nous l’avons fait. Il faut casser le discours des dominants, désobéir, et cela s’apprend. En 1895, lorsque les enfants travaillaient dans les mines et que l’armée matait à coup de sabre les revendications, Fernand Peloutier, anarchiste, un des fondateurs de la CGT, déclara : « Ce qui manque à l’ouvrier, c’est la science de son malheur »

Rien n’est plus vrai aujourd’hui.


Références :



Anne Marchand – Mourir de son travail édition de l’atelier

Pascal Marichalard – Qui a tué les verriers de Givors ed la découverte

Mathieu Lepine – l’Hecatombe invisible – Seuil

Daniele Linhart – l’insoutenable subordination des salariés

jeudi 15 août 2024

Un boulot mortel

 

 


Assassinat de deux fonctionnaires , comment en est on arrivé là ?


Les syndicats , CFDT, CGT, FO, Sud solidaires , UNSA de la DIRECTE (inspection du travail) appellent à un rassemblement lundi 2 Septembre à 12 h 30 devant la Préfecture à Nancy en mémoire de leurs collègues assassiné-es il y a 20 ans, par un employeur lors d’un contrôle.

Acte odieux, d’une violence inouïe. Pourtant la violence ne s’arrêtera pas le 2 Septembre 2004, à ce coup de fusil meurtrier, le traitement médiatique sera lui aussi odieux, autant que l’attitude de la hiérarchie des deux victimes.

Tant qu’à faire acte de mémoire , soyons précis et revenons sur ce jour et ceux qui ont suivi.



Un entretien mortel

Le 2 septembre 2004, Sylvie Trémouille, Contrôleuse du travail et Daniel Buffière, Responsable du

service contrôle de la Mutualité Sociale Agricole, se rendent dans une exploitation fruits et vignobles, à Saussignac en Dordogne.

Les fonctionnaires se sont présentés, à l’employeur . En cette saison , il y a souvent des salarié-es non déclaré-es , dans la la filière fruits et vignobles. Le travail des fonctionnaires du ministère du travail, pour une part, consiste aussi à vérifier les documents usuels, le registre unique du personnel , le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) , les contrats de travail et bulletins de paie, bref les documents obligatoires liés à l’exercice d’une entreprise. S’il y a une irrégularité , les inspecteurs rédigent un procès verbal qui trop souvent est classé sans suite

Ce jour , les fonctionnaires informent l’employeur d’un contrôle portant sur les contrats de travail des saisonnier-es . Le viticulteur Claude Duviau, ancien militaire et ancien assureur, a discuté une quinzaine de minutes avec eux en s’emportant. Puis il est reparti dans sa maison, y a pris un fusil et est ressorti. Il a tiré une balle dans le ventre de Daniel Buffière ; Sylvie Trémouille a tenté de prendre la fuite, l’assassin l’a abattu dans le dos, la tuant sur le coup. Sa première victime est morte quelques heures plus tard. Le tueur a ensuite retourné l’arme contre lui, mais ne s’est que blessé à la mâchoire.

Jamais, depuis la création de l’inspection du travail en 1892, soit 112 ans, des fonctionnaires chargés de faire respecter le Code du travail n’avaient été tués en mission. L’assassinat va donner lieu à un traitement original de la part des médias , un mépris hors classe de leur hiérarchie et du gouvernement Raffarin 3.


Le silence médiatique et le mépris en guise de linceul

Le meurtre a lieu vers 16h-16h30 jeudi 2 septembre. La première dépêche d’agence (AFP) aurait été diffusée vers 19h45 (Sources ACRIMED)

Le meurtre est évoqué en une seule phrase dans les journaux télévisés du soir. Le communiqué de presse du ministère de l’agriculture (Hervé Gaymard ) déclare :

« à la suite du décès des deux inspecteurs du travail, en Dordogne , Le ministère fait part  de sa très vive émotion au sujet du drame qui vient de se dérouler  ……. Confronté à des difficultés extrêmes, le monde agricole et rural réunit des acteurs divers, qui partagent un même amour de leur métier. » (Acrimed)


Il s’agit donc d’un décès , d’un fait divers dramatique, pas d’un meurtre. La moitié du paragraphe tente déjà d’expliquer les difficultés du monde rural qui seraient à l’origine du « décès ».

Le lendemain, 3 Septembre, France 3 en 1 mn 42 secondes traite le sujet. Interview d’un voisin expliquant que le viticulteur a « craqué », puis du maire qui explique que l’entrepreneur était à bout et en avait ras le bol . Les victimes ne sont pas nommées , il n’y a pas de photo.

France 2 commente le sujet à la moitié du journal, en cinquième point après la hausse des médicaments et des signes extra terrestre relevés par des astronomes, puis un reportage sur le prix du lait qui fait l’objet d’ un accord, sans transition on voit le visage d’une femme en larmes, standardiste à la mutualité agricole , le sujet est évoqué , les victimes ont un nom, la parole est donnée aux collègues profondément choqué-es. On apprend que le préfet (seul) est venu voir les salariés.

Puis , la parole est donnée aux représentants des chambres d’Agriculture qui expliquent les difficultés du monde rural , des exploitants .Tout ceci en 2 m, 5 secondes

Au soir du 3 Septembre , aucun média télévisé ne relate un meurtre. Les journalistes citent un fait divers dramatique, incompréhensible. Toujours rien sur l’employeur qui a été intentionnellement chercher un fusil

Toujours ce vendredi 3 septembre. L’agence REUTERS cite la Coordination rurale (CR), qui « a pointé le "désespoir des paysans spoliés". "Le drame qui vient de se dérouler en Dordogne démontre, hélas, l’ampleur du désespoir des paysans spoliés de leurs droits fondamentaux et soumis à des contraintes inacceptables", écrit la CR dans un communiqué. » « Le président de la Coordination rurale, François Lucas, s’est pour sa part déclaré "atterré par cet acte insensé et désespéré" mais il a également mis en garde les pouvoirs publics contre "la désespérance et la détérioration du moral des agriculteurs". » L’agence de presse mentionne également que « la FNSEA estime que "rien ne peut justifier un tel acte". Elle attire toutefois "l’attention de tous sur les conditions de vie de plus en plus difficiles de nombreux exploitants". » De cette discrète atténuation de l’horreur du double meurtre par des syndicats d’exploitants agricoles, rien ne transparaît à la télévision. (dossier Acrimed, par Jérôme Martineau, septembre 2016)


Aucun des deux journaux du service public ne traite du contexte de ce double meurtre : des inspecteurs du travail qui font un contrôle de routine dans une entreprise de fruits et vignobles, secteur où on estime que 18% des 800.000 saisonniers n’ont pas de contrat de travail, où plus de la moitié travaillent 56 heures par semaine (chiffres rappelés par Gérard Filoche)

Le contexte politique n’est pas cité non plus , 81 députés RPR ont demandé une diminution du nombre d’inspecteurs du travail en 2003 , sous la pression du MEDEF

Le 7 Septembre 4 ministres assisteront aux obsèques des agents, (Borloo, Gaymard, Larcher et Saint Sernin) comme des milliers de personnes . Interviewé , Hervé Gaymard déclare

« Un homme sous l’emprise d’un moment de folie a abattu deux agents publics qui faisaient leur métier au service de la collectivité tout entière »

L’homme n’est donc pas un assassin, c’est quelqu’un sous emprise qui a craqué, sans doute sous le poids du harcèlement de l’État et ses fonctionnaires.


Malgré 4 ministres aux obsèques des deux fonctionnaires assassiné-es, le journal de TF1 y consacre 23 secondes à 13 h 00, France 2 , 15 secondes. Seule FR3 cite les obsèques au journal du soir, 16 secondes ! En temps cumulé, les trois journaux télévisés n’atteignent pas la minute ! La météo ou la bourse sont mieux traitées.

L’ignominie est atteinte au 20 h 00 de France 2 , David Pujadas ne cite pas un mot de l’enterrement , il faut dire que le journaliste a fort à faire, Bill Clinton déteste la malbouffe, la joueuse de tennis Serena Williams a des vêtements étonnants.

Fermer le ban ! Le fait divers est terminé, il y a plus important , les tracasseries faites aux entreprises par exemple. Fort heureusement , les médias auront le temps de relayer ce scoop.

Gauche gouvernementale et droite ont alimenté le climat meurtrier 


 

Faire la peau aux fonctionnaires, casser le code du travail , résume l’obsession de politique néo libérale, de 1982 à 2004 . Gauche de gouvernement , gauche plurielle, droite revancharde ont alterné les gouvernances , en empilant les réformes antisociales , en les justifiant politiquement.

Les gouvernements Raffarin successifs , n’ont eu de cesse de restructurer le champ social, Jospin avait bien balisé la voie,. C’est l’époque ou Raffarin décide de « recalculer » les droits des chômeurs en leur retirant 200 jours de prestations, il perdra sous l’action en justice menée par la CGT . Mais le climat politique nourrit le discours patronal, le thème du « coût du travail » est relayé à longueur d’antenne, les entreprises « croulent sous les charges ». Les revendications du MEDEF , soutenu par la droite, sont claires : «  baisser le coût insupportable du travail, supprimer les réglementations inutiles  » , les lobbies du parlement Européen renchérissent aussi à la chansonnette .


Un article du monde Dans le secret des inspecteurs du travail assassinés de Catherine Rollot , creuse la question pour décrire l’ambiance de l’année 2004 :


« Le déballage sans retenue de rancune, d'exaspération et d'animosité à l'encontre des fonctionnaires en général, et des inspecteurs du travail en particulier, est saisissant. Lors d'une réunion de la Coordination rurale de Lot-et-Garonne, scission de droite de la FNSEA, les langues se délient. "Nous sommes persécutés à force d'être contrôlés sans cesse... En Espagne, les paysans ont droit à des immigrés à deux ou trois euros de l'heure, alors ici il faut arrêter de nous gonfler avec le smic" , scandent les employeurs locaux. Nous assistons à la remise du "prix de l'ours" à "la personne la plus exécrable, celle qui nuit le plus au département"... Dérapage de fin de banquet ou haine réelle des lois de la République ? En 2003, le "prix" avait été attribué à la meilleure amie de Sylvie Trémouille, elle aussi inspectrice du travail en agriculture. Dans cette ambiance tendue, où les rapports sociaux se règlent à coups d'insultes et d'intimidation, la détermination des inspecteurs du travail à continuer leur combat, "la peur au ventre", force l'admiration. » (le Monde enquête 2006)


Un discours anti-social qui donne une image d’une gauche impuissante , à la remorque du libéralisme. La société se fracture au profit de l’extrême droite


Lionel Jospin s’était engagé au cours de sa campagne pour les législatives de mai 1997 en faveur des ouvriers de Vilvorde, allant jusqu’à défiler avec eux le 16 Mars 1997

Puis , passé les élections , il a déclaré que « l’État ne peut pas tout » à propos de la décision de fermeture de Renault, entreprise dont l’État français est actionnaire principal (44.22%)

Le Premier ministre finalement n’est pas intervenu contre la fermeture de l’usine. Celle-ci est effectuée en juillet 1997. Le 1er du même mois, il s’était justifié devant les députés socialistes en affirmant que « nous ne vivons plus dans une économie administrée »


Le 24 juin 1997, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, en réunion avec des syndicats d'enseignants prononçait cette phrase qui allait faire polémique :"Il faut dégraisser le mammouth " « . Il faut absolument « débureaucratiser » cette administration qui, tous personnels confondus, emploie plus d'un million de personnes, a-t-il déclaré au Monde..


Ce même gouvernement Jospin procédera à 10 privatisations ou ouvertures de Capital (Autoroute , Crédit Lyonnais , France Télécom ...etc …) La lecture de cette politique de gauche est difficile , le front national engrange les points. Les 35 heures ne se traduisent pas forcément en progrès social , c’est une productivité accrue qui renforcera la stagnation salariale , le recours aux temps partiels, aux heures supplémentaires.

Un véritable calvaire s’abat sur l’hôpital public, les 35 heures ne sont pas suivies des nécessaires embauches, rendant impossible la gestion des emplois du temps et la prise de repos.

La mise en place de la réduction du temps de travail s’accompagne d’une modération salariale exigée par le Medef. Une partie de la population bascule dans le champs des travailleurs pauvres, le front national se nourrit de ce désespoir et se renforce.

Le MEDEF demande encore plus . L’arrivée de Raffarin exaucera ces demandes , réformes des retraites douloureuse pour le service public, férié de pentecôte désormais travaillé au titre de la solidarité avec les anciens.


L’État organise le renforcement d’une violence anti-sociale systématique


Ce climat anti-social alimente le meurtre à venir . Gauche et droite rivalisent d’initiatives libérales , deux ans auparavant le front national est second au premier tour de l’élection présidentielle , éructant contre les fonctionnaires , l’heure de la revanche a sonné.

Lorsque la droite reprend les rênes du pouvoir, Sarkozy met fin à la police de proximité qu’il 'avait publiquement raillé lors d'une visite à Toulouse. Le rôle des forces de l'ordre devait être recentré selon lui : "Vous n'êtes pas des travailleurs sociaux »

L’ennemi de l’État ce sont désormais les habitant-es des cités, les jeunes. MEDEF, Gouvernement hurlent ensemble contre les syndicalistes voyous.

C’est la mise en place de la Bac , le début de la répression sociale dans les manifs. Ce sera le début des mains arrachées, des tasers, des LBD…….

Lorsqu’un employeur tire délibérément sur des fonctionnaires chargés de faire respecter le code du travail, ce n’est pas l’acte isolé d’une personne en proie à la folie, c’est le fruit d’une politique orchestrée, d’un langage outrancier et revanchard, autorisé, médiatisé. Le fonctionnaire qui contrôle le travail est le symbole à abattre pour le Medef. Alors on abat

Une inspectrice du travail interrogée par Libération déclarait : « Depuis 1993, dans la moitié du département du Nord, il y a eu 128 obstacles à nos missions. Cela va du refus de présenter des documents jusqu’à des situations de violence. Les patrons ont le nez sur le guidon, ça concourt aux ambiances délétères. (...) Quand on dit à certains chefs d’entreprise qu’ils commettent un délit, ils ne comprennent pas. Pour eux, le délit, c’est le gamin qui pique un autoradio. » Critique des médias, peut-être involontaire : cette dernière phrase donne peut-être la clé de la négligence des journaux télévisés sur l’affaire de Saussignac : pour eux aussi sans doute, la délinquance c’est le vol de portable ou les banlieues, mais pas la délinquance du patron qui piétine les droits de ses salariés. Un « point aveugle » qui va de pair avec la vue très biaisée qu’ont nombre de journalistes envers les conflits sociaux [17] La véritable critique des médias est donc venue des inspecteurs du travail qui, en manifestant contre le climat de tension voire de violence qu’ils rencontrent dans leur mission..., ont également protesté contre le silence sur les violations des droits des salariés dans des médias qui considèrent que le sujet n’est pas « porteur » et n’entre pas dans la case « insécurité ». D’où sans doute ce délaissement de l’affaire de Saussignac, « fait-divers isolé » dont « on ne peut pas tirer de sens », paraît-il. Jérôme Martineau Acrimed



Se souvenir et exiger la restitution des droits sociaux volés, revenir à un Service Public ambitieux

Le Service Public nous accompagne dés la naissance , participe à notre éducation , notre formation . Ce n’est pas un hasard si la France a choisit de créer un Service Public , c’est un choix politique instruit de 5 années sombres , ou les forces de l’argent , le patronat collaborèrent avec l’occupant nazi.

A l’heure où la peste brune tente un retour, nous devons réduire le champs de manœuvre du capital, cette exigence ne peut être portée que par la mobilisation du monde du travail

Ce 2 Septembre, l’Union Locale CGT participera à ce moment solennel, en mémoire de deux salariés abattus alors qu’elle et il faisaient simplement leur métier , appliquer le code du travail pour protéger les salariés. Rappelons que l’acharnement continue contre celles et ceux qui nous protègent au boulot, à Agen , la FNSEA a pendu un sanglier éventré devant l’Inspection du Travail, le 25 Janvier 2024 Quatre élèves stagiaires de l’inspection du travail ont vu , fin Juin 2024,leur titularisation refusée à l’issue de leur formation., sans motif cohérents. 3 étaient syndiqué-es à la CGT

Au delà de ce nécessaire acte de mémoire , nous devons aussi exiger la protection et le respect des travailleuses et travailleurs , de leurs droits. Les pages du code du travail arrachées par Hollande , Sarkozy et Macron doivent être restituées. Les moyens pour faire respecter ce code doivent être étendus, à commencer par le maintient des moyens humains puis leur augmentation .


Pour naître, se former, se soigner, se déplacer,

gérer le pays,

nous voulons un Service Public à la hauteur


pour protéger les salarié-s

nous exigeons un code du travail renforcé

des fonctionnaires protégé-es pour le faire respecter


Rendez vous le 2 Septembre

à 12 h 30 devant la préfecture à Nancy



https://www.acrimed.org/Meurtres-sans-importance-audiovisuelle-deux-inspecteurs-du-travail-tues


https://www.lemonde.fr/import/article/2006/03/15/dans-le-secret-des-inspecteurs-du-travail-assassines_687313_3544.html


https://www.monde-diplomatique.fr/2012/12/DOUMAYROU/48506


lundi 3 juin 2024

Soirée de soutien à Christian PORTA à l'Union Departementale 54 - licencié sans motif

 

Vendredi 7 juin à 19 h 00, à l’Union Départementale CGT de Meurthe-et-Moselle, à Nancy, soirée de soutien à Christian Porta, licencié sans motif par le groupe Neuhauser.

L’Union locale CGT de Nancy et son collectif revendicatif organisent le vendredi 7 juin une réunion publique en solidarité avec notre camarade Christian Porta, délégué syndical CGT chez Neuhauser et secrétaire général de l’Union locale de Saint-Avold.

La réunion se tiendra à l’Union départementale CGT 54 (2 rue Drouin, Nancy) à 19h00

Depuis le début de l’année, Christian fait face à une véritable campagne de harcèlement de la part de la direction de son entreprise a dû subir une première mise à pied avec une procédure de licenciement sur les accusations fantaisistes qu’il harcèlerait l’encadrement. Cette accusation n’a pas tenu devant les juges. Le CSE s’est opposé au licenciement.

L’inspection du travail a refusé le licenciement. Malgré cela, la direction de l’entreprise de l’industrie alimentaire, du groupe Invivo, a procédé au licenciement, bafouant toutes les lois en vigueur concernant le licenciement d’un salarié protégé.

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Le licenciement a été annulé par les prud’hommes qui ont demandé sa réintégration sous astreinte financière. Christian a été reçu pour sa réintégration. Au cours de l’entretien, il s’est vu notifié une nouvelle mise à pied avec à la clef une nouvelle procédure de licenciement.

Depuis le début, la direction de l’entreprise harcèle, ment, adopte une attitude démente qui la met continuellement dans l’illégalité, et fait du chantage à l’emploi en menaçant de fermer l’entreprise si Christian n’est pas viré. Au travers de cette campagne contre notre camarade, l’objectif de la direction est de diminuer la capacité de l’ensemble des salarié·e·s de l’entreprise à revendiquer en affaiblissant un syndicat CGT combatif et revendicatif.

Notre solidarité envers Christian, la CGT Neuhauser et les salarié·e·s de l’entreprise doit s’exprimer dans l’action. Les méthodes dégueulasses mise en œuvre par la direction de l’entreprise – qui ne sont que le pendant au sein dans cette entreprise des méthodes globales mise en œuvre par les capitalistes, Macron et ses gouvernements - nous concernent toutes et tous, car si elle parvient à ses fins en ne respectant rien ni personne, pas même la loi ou les décisions inspection du travail, c’est un message envoyé à tout le patronat : vous pouvez faire ce que vous voulez, quand vous voulez pour vous débarrasser des militants syndicaux !

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Venez écouter Christian Porta et toutes et tous dans l’action pour le soutenir afin que la phrase « quand on touche à un militant de la CGT, on touche à toute la CGT » ne soit pas qu’une phrase creuse des jours de fête !

l’Union locale CGT de Nancy

dimanche 2 juin 2024

Un jumelage obscène

 

Depuis 1984, Nancy est jumelée avec Kiryat-Shmona, une ville israélienne construite à l’emplacement d’Al-Khalisah, un village palestinien dont les habitant-es furent expulsé-es en 1949 par les forces armées sionistes.

« Nancy entretient des relations d’amitié avec 11 villes dans le monde : Newcastle, Liège, Karlsruhe, Padoue, Kanazawa, Kiryat-Shmona, Lublin, Cincinnati, Kunming, Krasnodar et Shangrao.
Tous nos jumelages avec les villes de dix pays, créés entre 1954 et 2017, favorisent la promotion de la Ville de Nancy à l’extérieur ainsi que le rapprochement des peuples et des cultures. Ils se concrétisent par des visites bilatérales, de nombreux échanges universitaires, culturels, sociaux, économiques et politiques et des programmes de coopération.
Nancy souhaite également développer des partenariats avec les pays arabes et le Canada. »
(Source : site officiel de Nancy)

 

Un jumelage obscène

Nancy est donc jumelée avec une ville israélienne, depuis 1984, à l’initiative de la communauté juive nancéienne, et de l’association France Israël, dont fut Membre André Rossinot, lorsqu’il était député de Meurthe-et-Moselle. C’est un choix engagé : 42 villes en France sont jumelées avec une cité israélienne.
Ce jumelage s’est renforcé alors que la situation palestinienne se dégradait, de 1987 à 1993, et que la première intifada faisait près de 2000 mort-es palestinien-es.
Les accords d’Oslo ne germeront pas, l’assassinat d’Yitzhak Rabin perpétré par l’extrême droite israélienne porte un coup d’arrêt au processus de paix.
L’intensification de la colonisation se poursuit : en 2001, la population de colons est passée de 280 000 à 390 000, principalement en Cisjordanie, où elle s’accroît de 70 %.
Après le déclenchement de la seconde intifada, après une vague d’attentats suicide, Israël construit un mur, nommé « barrière de séparation », en territoire palestinien.
En 2009, Netanyahou laisse la colonisation s’étendre à Jérusalem Est.

C’est dans ces circonstances, que le 8 avril 2011, a eu lieu à la Pépinière de Nancy l’inauguration d’une allée au nom de la ville de Kiryat-Shmona, en présence de Nissim Malka, maire de la ville israélienne, de Richard Prasquier, président du C.R.I.F., et de l’ambassadeur d’Israël en France, Yossi Gal, et du maire de Nancy.
Quelques mois auparavant, le maire de Nancy, André Rossinot, s’était rendu en Israël.

 Guerre Israël-Hamas. À Nancy, l'inquiétude pour la « ville sœur » Kiryat  Shmona

D’un village paisible à une zone de conflits

Kiryat-Shmona, de son nom premier Al-Khalisah, était à l’origine une petite ville fondée par les bédouins à la fin du XVIIe siècle, au nord de la Galilée, à la frontière libanaise.

À la fin du XIXe siècle, ce village, comptant une cinquantaine d’habitant-es, se consacre à l’agriculture, dans une zone propice entourée d’eau, érige ses maisons avec des matériaux locaux : des briques faites de terre et des pierres des collines environnantes.
Dès 1945, les représentants du village, qui compte un peu moins de 2 000 habitant-es, tentent de nouer des contacts avec les colons juifs, en vain.

Le 11 mai 1948, pendant le conflit israélo-arabe, le village tente de conclure un accord avec la Haganah, organisation sioniste de défense, prémisse de l’armée israélienne, dans le but de se protéger, mais l’organisation juive refuse cet accord. La quasi-totalité des habitant-es arabes quittent ce village pour le Liban ou la Syrie, sous la menace des armes.
Comme partout ailleurs dans les territoires, c’est le début de la Nakba : 700 000 à 750 000 Arabes palestinien-nes sur 900 000 fuient ou sont chassé-es de leur maison. Ces femmes et ces hommes vivent aujourd’hui dans des camps de réfugié-es, sont pour la plupart apatrides et se voient refuser le droit de revenir chez elles et eux.


Depuis 1949, Al-Khalisah s’appelle Kiryat-Shmona, peuplée par des juif-ves d’origine roumaine et yéménite.
À partir de 1953, Kiryat-Shmona devient une ville de « développement », voulue ainsi par le premier ministre Ben Gourion. Ce sont alors des juif-ves marocain-es qui viennent s’installer.
Pour accueillir les populations qui aspirent à vivre en Israël et répondre à la colonisation voulue par Ben Gourion, ces villes ont trois objectifs :

  • Un objectif socio-économique : ces villes doivent donner des logements et des emplois aux centaines de milliers de nouveaux immigrant-es.

  • Un objectif stratégique : souvent situées dans des secteurs périphériques exposés aux risques d’attaques armées, ces villes doivent renforcer les frontières. Dans cette perspective, les zones frontalières à faible densité de population sont privilégiées, conformément à la doctrine énoncée par le premier ministre de l’époque, qui déclare : « nous avons conquis des territoires, mais que ce soit dans le Neguev ou en Gallilée, leur importance reste mineure, tant qu’ils n’ont pas été peuplés de colonies. La colonisation, voilà la véritable conquête [...] L’avenir de l’État dépend de l’immigration » (Ben Gourion 1949).

  • Un objectif urbanistique : ces villes permettent de diminuer la pression démographique qui pèse sur les grandes villes du centre, où étaient concentrés les deux tiers de la population juive.

À Kiryat-Shmona, l’ancienne mosquée devient le musée de la nouvelle ville. Le passé de la ville est gommé, comme dans 400 villages confisqués à leurs habitant-es.
L’ancien village arabe est devenu une ville où, en 2016, la population juive domine à plus de 96 %, le reste étant musulman (population d’environ 23 000 habitants).
Al-Khalisah n’existe plus, comme des centaines de villes et villages en Palestine.

Le gouvernement israélien a choisi l’emplacement des villes de développement accueillant des immigrant-es orientaux ou séfarades pour une bonne part dans des zones frontalières, dans des lieux qui connaissent une grande insécurité, du fait de l’inimitié de l’État d’Israël avec ses proches voisins et à la résistance des groupes armés soutenant la Palestine.

Le 11 avril 1974, trois membres du commandement général du Front Populaire de Libération de la Palestine traversèrent la frontière israélienne depuis le Liban. Arrivés à Kiryat-Shmona, ils entrèrent dans un immeuble et tuèrent les dix-huit occupant-es, tous-tes civil-es, dont neuf enfants. Une tentative de négociation avait lieu sur place, avec la présence de l’ambassadeur de France en Israël, qui s’était déplacé spécifiquement, mais elle n’aboutit pas et ne servit à rien.
En 2006 la ville fut évacuée, sous le feu des missiles du Hezbollah depuis le Liban. L’objectif stratégique voulu par Ben Gourion fonctionne donc toujours.

  Qu'est-ce-que le BDS ? - Association belgo-palestinienne

Nancy est jumelée avec une ville volée aux Palestinien-nes... jusqu’à quand ?

Ce jumelage n’a jusqu’alors pas suscité de débat. Le maintien de cette initiative n’a jamais été justifié, expliqué.
Le jumelage de villes par-delà les frontières permet de favoriser des rapprochements, un partage de valeurs et de pratiques, ainsi que la mise en place d’échanges entre des villes ayant des caractéristiques similaires.
Qu’est-ce qui pourrait rapprocher Nancy d’une ville colonisée sous la menace des armes, une ville dont les habitant-es ont été dépouillé-es de leurs biens ? Quelles sont les valeurs à échanger ?

Un lien assumé, et c’est le cas, traduit une relation voulue, culturelle ou autre, où nous nous reconnaîtrions des valeurs communes… L’armée israélienne, actuellement, tue ou blesse un enfant toutes les 10 minutes. Le gouvernement israélien refuse l’aide humanitaire, l’eau au peuple qu’il assassine. Avons-nous cela en commun ?

L’actuelle municipalité devrait mettre fin à cette liaison obscène, la colonisation ne peut plus être défendue, excusée par de pseudo liens culturels, une amitié transfrontalière. Kiryat-Shmona est le tombeau d’une ville martyre.

Tant qu’un jumelage de cette sorte aura lieu, la mémoire des Palestinien-nes chassé-es de leur maison, assassiné-es, sera salie, piétinée, niée.


Pour en savoir un peu plus, un lien en direction du blog de Philippe Plane, militant AFPS, qui est allé interroger des Palestinien-nes originaires de Al-Khalisah dans un camp de réfugié-es à Borj El Shemali, près de Tyr, au Liban. Ces personnes témoignent de leur exil forcé, sous la menace des armes. Guy Perrier, décédé il y a un an, ex-président de l’AFPS Lorraine Sud, faisait partie de la délégation.

https://blogs.mediapart.fr/philippe-plane/blog/031119/kyriat-shmona-s-appellait-al-khalisa

La délégation nancéienne de l’AFPS a fait ce travail de mémoire en 2018 et dénonçait à son retour le jumelage, une fois de plus, en disant : « Kiryat-Shmona s’appelle Al-Khalisah ! » Lors de cette mission, l’AFPS a fait un rapport précis sur Kiryat-Shmona, mais aussi d’autres villes.

https://www.france-palestine.org/IMG/pdf/rapport_mission_afps_lorraine_sud_2018.pdf

Une mobilisation s’impose pour faire vivre la mémoire de Al-Khalisah, et dénoncer un jumelage qui n’a aucun sens.

La lâcheté politique en France empêche la reconnaissance d’un État palestinien. Même si nous ne sommes qu’une poignée au niveau local, nous pouvons dénoncer le vol des terres, des maisons, de l’histoire du peuple palestinien en rétablissant la vérité dans nos propres cités. Une rue en hommage à Al-Khalisah, ville martyre, ne serait pas de trop.
Les rues aux noms de sabreurs coloniaux ne manquent pas pour être rebaptisées.

Les appels au boycott se multiplient ; malgré la répression, universitaires et artistes dénoncent le génocide. Les lignes commencent à bouger, des États reconnaissent la Palestine.
Nous devons être nombreux-ses, associations, individus, à demander aussi que l’arrêt de ce jumelage figure au plus tôt à l’ordre du jour du conseil municipal pour faire cesser une parodie de fraternité indécente.

Michel ANCE